Ils murmurent leurs fabuleuses histoires à l’oreille de nos avions

Aline Leduc, le Col Mastny & Claude Saget: des invités peu ordinaires!

Il y a peu, nous avons eu l’honneur de recevoir Madame Aline Mastny, petite-fille de l’illustre ingénieur aéronautique René Leduc, et son époux le Col Lawrence Mastny, ancien de l’ United States Air Force (il a servi 28 ans, et a été 1er Cdt du détachement américain sur la base aérienne d’Istres), accompagnés de notre ami Claude Saget, fils du célèbre Jean-Marie Saget, lui-même une grande personnalité du monde aéronautique. Interview croisée …

Aline et Lawrence souhaitaient faire don au musée de précieux documents aéronautiques et enregistrements vidéo: c’est ainsi que nous les avons conviés à venir nous rencontrer, et visiter le musée. Leur grand ami Claude Saget, grâce à qui le contact a été fait, était de la partie.

Sous un soleil resplendissant, nous avons offert à nos invités le « grand tour VIP » du musée: une balade teintée de nostalgie pour Lawrence et Claude, qui se se sont retrouvés nez à nez avec plusieurs avions marquants de leur carrière respective (Caravelle, Alphajet, Mirage III, Bronco …)

De retour au bureau, nous avons interviewé Lawrence, qui nous a raconté de savoureuses anecdotes, par exemple comment, alors qu’il était transformé OV-10 Bronco et s’apprêtait à rejoindre le Vietnam, il a été stoppé net sur le port de San Francisco, à la signature des premiers accords de paix. Aline et Claude se sont joints à l’interview …

L’interview:

Pourquoi avoir choisi de devenir pilote ?

Lawrence Mastny:Lorsque j’ai fini mes études j’ai choisi l’US Air Force. J’étais déjà qualifié pilote dans le privé.  Puisque j’avais le choix, je me suis dit qu’il était préférable de voler au-dessus du Vietnam plutôt que d’être fantassin dans ce pays. C’était une question de survie. 

Lawrence, certains vous connaissent plus sous votre nom de guerre: quel est-il?

LM :Mon surnom dans l’Air Force était « Nasty »(le méchant ou le vilain). Pourquoi ? Parce qu’à chaque fois que l’on partait en combat aérien, j’inventais de nouvelles tactiques, et ces tactiques, les autres pilotes les trouvaient « méchantes » ! C’est tout. Nasty, c’est également très proche phonétiquement de mon nom de famille, « Mastny ».

Pouvez-vous nous parler de votre carrière dans l’US Air Force?

LM :J’ai servi l’US Air Force pendant 28 ans. Après ma formation de pilote, j’ai continué à piloter le T38 en tant qu’instructeur. C’était sur la base aérienne de Williams en Arizona. Ensuite, j’ai rejoint la base de San Antonio au Texas, où j’ai été nommé instructeur d’instructeurs. J’ai également effectué un peu de travail de bureau, comme chaque pilote doit le faire parfois. Mon travail consistait à affecter les destinations et les avions à chaque pilote au sein de l’US Air Force.

Ensuite, j’ai intégré la National Guard dans le New Jersey. J’ai volé pour la New Jersey Guard et suis devenu Commandant d’escadron, et ensuite, automatiquement, je suis devenu vice-Cdt pour l’escadre. Et c’est tout à fait par hasard que je suis arrivé en France, beaucoup plus tard : comme je volais sur F4, je devais effectuer beaucoup d’exercices aux Etats-Unis, mais aussi à l’étranger (Norvège, Equateur, Corée du Sud, Egypte, Japon et Europe) . Mais après le F4, l’US Air Force a eu besoin d’un commandant pour les Forces Américaines lors de la guerre du Kosovo , et on m’a demandé d’aller en France. C’est ainsi que suis arrivé à Istres, mon nouveau commandement. Je volais à ce moment-là sur KC 135 (avion ravitailleur en vol). Après ces années en tant que militaire, j’ai pris ma retraite de l’US Air Force et j’ai repris une position en tant que pilote de ligne dans une compagnie américaine.

Quelle a été votre expérience avec le Bronco ?

J’ai piloté le Bronco : je peux vous le dire pour l’avoir testé, c’est un avion excellent, parfaitement adapté à sa mission.

Et vous avez failli partir combattre au Vietnam ?

J’étais en route pour le Vietnam, et j’ai été stoppé, alors que j’étais en Californie, prêt à partir ! Les premiers accords de paix venaient d’être signés. On ne m’a pas laissé partir. J’ai dû arrêter de voler sur Bronco à ce moment-là et suis devenu instructeur de T38.

Avez-vous une anecdote à nous raconter ?

LM: Je suis resté très longtemps instructeur, pour former aussi bien les nouveaux pilotes que les futurs instructeurs. On se trouve parfois face à des situations où il faut impérativement savoir prendre une décision en urgence, avant qu’il ne soit trop tard. Heureusement j’y suis arrivé. Par exemple, lorsqu’on vole en formation, et qu’on est seulement à  3 pieds (c’est à dire 1 m environ) de l’aile de l’autre avion, on est tout près l’un de l’autre. Lors d’excercices, l’élève pilote de l’autre avion (rappelons que nous sommes en formation escadrille) , doit m’envoyer un signal (« pitch out ») qui signifie qu’il quitte la formation. Malheureusement, parfois, sous la pression, il arrive que l’étudiant ne se rappelle plus quelle direction prendre et c’est à ce moment là qu’il y a problème. Au lieu de virer avec son avion pour quitter la formation, l’étudiant vire dans la formation, c’est à dire dans l’autre avion.

Dans ce cas je préférais reprendre le contrôle de l’avion et descendre de 2 ou 3 pieds. La catastrophe était évitée. Mais c’était une sacrée expérience …

Aline, qui était votre grand-père ?

Aline Mastny: Mon grand-père s’appelait René Leduc. Il a commencé à travailler à l’âge de 14 ans. Ensuite, il a été appelé pour effectuer son service militaire. C’était un homme qui lisait beaucoup, qui cherchait à s’instruire. Un supérieur dans l’Armée l’a repéré et l’a poussé à entreprendre des études. Il a opté pour un diplôme d’ingénieur en électricité parce que c’était ce qu’il y avait de plus court. Il dessinait déjà des avions. Et c’est Louis Bréguet le premier qui lui a demandé de dessiner une aile (d’un nouveau concept) ; en même temps mon grand-père faisait sa « tuyère thermopropulsive », comme il disait. Un autre Monsieur du nom de René Lorrain  avait eu cette idée sans la finaliser. Mon grand-père a continué ses travaux de recherche pendant la guerre. Des travaux que les Allemands auraient bien voulu lui « soustraire » (c’était son mot!). Après il y a eu les essais en vol. Le principe de la tuyère thermopropulsive marchait, puisque ses calculs prévoyaient de voler à Mach 5. Mais les matériaux de l’époque ne permettaient pas d’arriver à cette vitesse.  Et les avions de combat qui étaient prévus n’ont jamais abouti dans le sens où les économies de l’Etat français ont fait arrêter tous les projets des années 50.

Claude Saget: Il faut savoir qu’à cette période-là, dans les années 50, tous les projets qui n’avaient pas de chance d’aboutir à court-terme sur un produit opérationnel ont été arrêtés.

AM Fin de l’aventure. On en était là lorsque je suis née.

Et vous Monsieur Saget vous êtes venu en accompagnateur ?

Claude Saget: Oui, pour avoir rencontré Aline quand elle a créé le Conservatoire du Patrimoine Aéronautique Istréen, le CPAI, en 1994. Peu de temps après j’ai rencontré Larry, qui est venu à Istres comme il nous l’a dit, et d’un regard nous sommes devenus amis. Larry c’est le diminutif de Lawrence. Et depuis nous sommes dans l’amitié, nous sommes voisins, on a volé ensemble …

Aline : Ah, pour avoir volé ensemble, ils ont volé ensemble !

Claude Saget : On a eu la chance de pouvoir voler à l’occasion du séjour de Larry à Istres, lorsqu’il était Cdt du détachement américain, le premier ! A l’occasion, on peut le dire maintenant, de la guerre de Yougoslavie. Il commandait les ravitailleurs et les avions secrets qui étaient basés à Istres. Il était responsable du détachement. A cette occasion, et puisque, comme il l’a dit, il faisait surtout beaucoup de travail de bureau, je lui ai proposé de venir voler sur nos avions. Chose dont il a bien profité.


Claude Saget :Je voulais partager avec vous cette photo qui nous réunit mon père et moi. Sur cette photo on voit mon père sur le prototype Super Mirage 4000 n°01 et moi, sur Mirage IIIE, à l’occasion de ses 10 000 heures de vol, à l’époque : quel souvenir ! Cette photo a été prise par le Lieutenant Michel Gérard, aujourd’hui malheureusement décédé. Il était notre officier de renseignement de l’Escadron de Chasse III/2 Alsace.

Jean-Marie Saget sur le prototype Super Mirage 4000 n°01 et son fils Claude sur Mirage IIIE, à l’occasion de ses 10 000 heures de vol, à l’époque : quel souvenir ! Crédit photo Lieutenant Michel Gérard.

Claude Saget: Après ce vol « officiel » des 10 000h de Jean-Marie Saget, mon père avait organisé un vol « familial » avec ses six enfants (trois filles et trois garçons intercalés; étant l’aîné des garçons, je suis n°2 !) et sa sœur (auxquels il avait appris à piloter), le 22 mai 1982.

Photo des « professionnels » tout d’abord à deux Cap 10, avec Claude, lors du passage officiel des 20 000h, le 18 avril 2015.

vol des « professionnels » le 18 avril 2015.

Le 16 mai 2015, photo familiale à quatre Cap 10. Claude Saget vole ici avec deux de ses petits-enfants (auxquels il a aussi appris à piloter et dont l’un est pilote de ligne) et son fils Claude…

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